Etude de l'action des rayonnements ultraviolets sur Serratia marcescens

 

Serratia marcescens est une bactérie non pathogène (opportuniste) qui produit naturellement un pigment rouge sang à activité antibiotique et immunosuppressive : la prodigiosine. La prodigiosine est produite en tant que métabolite secondaire sous l'influence du système général d'expression des gènes appelé "quorum sensing". La croissance en milieu liquide à une faible densité cellulaire permet une expression de bas niveau d'un régulateur positif de l'expression de la prodigiosine. La membrane des bactéries est perméable à ce régulateur. La concentration cellulaire de ce régulateur qui pénètre par diffusion reste donc faible lorsque la densité cellulaire est faible. Lorsque la densité cellulaire augmente, la concentration intracellulaire du régulateur augmente jusqu'à déclencher la production massive de prodigiosine. Il se produit le même phénomène en culture sur milieu solide et la coloration n'apparaît que pour des colonies ayant un diamètre supérieur à 1 mm.

 

La synthèse de la prodigiosine s'effectue en plusieurs étapes, codées par des gènes qui peuvent chacun être affectés par les UV (mutation) et produire une pigmentation incomplète (pigment orange) ou même l'absence de pigmentation.

Il faut noter qu'un même phénotype peut provenir de mutations à des niveaux différents dans la voie de synthèse (génotypes différents).

Les objectifs de ce TP sont :

-          d'isoler des mutants pigmentaires de Serratia après exposition à des agents mutagènes physiques, ici les UV.

-          de tracer la courbe de destruction de Serratia sous l'action des UV en fonction du temps d'exposition : log(N)=f(t).

-          d'établir le spectre d'absorption des différents pigments produits.

-          caractériser les différents pigments par syntrophie (échanges de nutriments ou de facteurs de régulation)

Souches et milieux :

-          100 mL de culture de 18 heures de Serratia marcescens en BN

-          tubes de 9 ou 10 mL d'eau physiologique stériles

-          boîtes de milieu PG : peptone 5 g, glycérol 10 mL, agar 20 g, Eau qsp 1 Litre

-          Lampe UV proche de 260 nm (254 nm par exemple) et protection individuelle

-          Spectrophotomètre et cuves en verre ;

-          acétone

JOUR 1 :

-          Centrifuger 10 minutes à 5-7000 rpm 10 mL d'une culture de 18 heures de Serratia marcescens en bouillon pour culotter les cellules,

-          Resuspendre le culot dans 10 mL d'eau physiologique stérile et transférer dans une boîte de Pétri,

On peut aussi mettre en suspension une oese de culture dans 9 mL d'eau physiologique.

-          Déposer la boîte couvercle ouvert sur un plateau oscillant sous une hotte à flux laminaire (PSM2),

-          Irradier avec des UV autour de 260 nm (lampe à 254 nm, maintenue à 20 cm au dessus de la boîte) en prélevant des échantillons à 0, 30, 60, 90 et 120 s (un temps par binôme). Porter une protection contre les UV !

-          Réaliser des dilution décimales jusqu'à 10-5 et étaler 0,1 mL de chaque sur 2 boîtes de milieu PG.

-          Incuber à température ambiante près d'une fenêtre en évitant l'exposition directe (le pigment n'est pas produit à 37°C : une température de 25-30°C est optimale, et la production de pigment est augmentée en présence de lumière, mais attention à la photolyase !)

JOUR 2 :

-          Rechercher les mutants pigmentaires sur les boîtes et les réisoler sur de nouvelles boîtes. Attention à ne pas confondre des contaminants avec des mutants apigmentés ! Entourer les boîtes de parafilm.

JOUR 3 :

-          émulsionner chaque mutant dans du méthanol acidifié à pH 2.5 pour dissoudre les pigments, centrifuger et tracer son spectre d'absorption entre 350 et 800 nm.

-          Identification des  différents mutants :

o     réaliser des stries des différents mutants comme indiqué sur le schéma de gauche pour caractériser les intermédiaires solubles

o     pour rechercher les intermédiaires volatils, isoler un mutant sur une boîte de milieu PG et faire des stries avec plusieurs autres mutants sur une autre boîte. Eliminer les couvercles des boîtes et les maintenir ensemble avec du scotch.

o     Incuber toutes les boîtes pendant 1 à 2 jours.

 

Résultats :

-          tracer la courbe % survivants=f(t) et la droite log(N)=f(t) où N = nombre UFC/mL pour chaque temps d'exposition.

-          Compter les différents mutants pigmentaires obtenus et tracer le spectre d'absorption des différents pigments mutés.

-          Interpréter les expériences de syntrophie et conclure.

DOCUMENTS

Localisation de points de mutation dans la voie de biosynthèse de la prodigiosine. La prodigiosine est le pigment habituel rouge et la norprodigiosine est le pigment orange produit par les mutants de classe B3. MAP = 2-méthyl-3-n-amyl pyrole ; MBC = 4-methoxy-2,2'-bipyrole-5-carboxyaldéhyde ; HB = 4-hydroxy-2'-bipyrole-5-carboxyaldéhyde.

 

 

 

 

Donneur

 

 

couleur du mutant

C

B1

B2

B3

M1

M2

Accepteur

C

rose

 

-

-

-

-

-

B1

blanc ou jaune

S

 

S

S

S

S

B2

rose ou blanc

S

-

 

S

S

S

B3

orange

S

-

-

 

S

S

M1

rose pâle

V

V

V

V

 

V

M2

rose ou blanc

V

V

V

V

-

 

La pigmentation rouge de la souche acceptrice est due :

soit à un produit volatil (V) ; soit à un produit soluble (S) ; - : pas de pigmentation.

 

Absorbance spectra of bacterial cultures. The figure is a composite of visible spectra from S. marcescens Nima, S. marcescens ampicillin-resistant Mutant 5 (non pigmented), and P. aeruginosa grown under conditions that induce prodigiosin expression. Cells from day-old slant cultures were grown to saturation in nutrient broth + 0.5% maltose. They were diluted in this same medium to optical densities within the linear range for both prodigiosin and whole cell quantification. Each sample was scanned at a speed of 20 nm per second.

Figure 1 also indicates that optical density values at 620 nm (OD620) can be used to measure cell density without interference due to prodigiosine absorbance.


Quelques résultats et valeurs de référence :

 


Lampe utilisée : UVPinc mineralight® modèle UVG-11 – 254 nm – 4 W

 

Distance de la préparation : 20 cm

 

Suspension cellulaire : 1 grosse oese de Serratia marcescens pigmentée dans 9 mL d'eau physio. On a une A620=0,2 à 0,35.

1 A620 = 4 à 6.108 cellules/mL

 

Durée d'exposition aux UV : 0–10-20-30-40-50–60–90–120 secondes réparties entre les binômes, mais chacun doit dénombrer à t0 si l'on part de suspensions différentes ou mesurer l'A620 de chaque suspension et corriger ensuite les résultats avec cette valeur pour chaque suspension pour pouvoir regrouper les résultats.

La lampe passée à l'alcool évaporé est maintenue en haut d'un double décimètre au dessus de la boîte de pétri, couvercle ouvert sous un PSM2.

A chaque temps, 1 mL est prélevé et introduit dans un tube de 9 mL d'eau phy = dilution 10-1

 

Dénombrement : Après dilution, on étale 0,1 mL sur milieu PG (peptone 5 g, glycérol 10 mL, agar 20 g, Eau qsp 1 Litre)

 

Résultats : Il est préférable d'incuber les boites à l'obscurité à 25-30°C. On observe relativement peu de mutants dans ces conditions : la lampe peut être un peu éloignée : 30 à 50 cm par exemple au lieu de 20 cm.

Les résultats de l'ensemble des binômes seront regroupés le deuxième jour.

 

Modélisation :                         %survivants=100*exp(-k*t)

 

La constante k ( 0,17 à 0,20) dépend de la sensibilité du germe aux UV et de l'Iradiance (en µW.cm-2) qui dépend elle-même de la puissance de la lampe (ici 4 W) et de la distance (ici 20 cm).

 

Le temps au bout duquel 50 % des bactéries sont tuées est d'environ 3,4 s dans ces conditions (identique pour deux manipulations différentes).

 

Durée d'exposition

dilution

0

2 boites à 10-6

10-5

10

10-6

10-5

10-4

20

10-6

10-5

10-4

30

10-5

10-4

10-3

40

10-5

10-4

10-3

50

10-4

10-3

10-2

60

10-4

10-3

10-2

90

10-3

10-2

10-1

120

10-2

10-1

10 0

 

On modélise directement avec l'équation précédente.