Isolement des Streptomycètes du sol
I. Description du genre Streptomyces
Les germes du genre Streptomyces sont des bactéries
aérobies, à Gram positif, non acido-alcoolos
résistantes, catalase positive. Les Streptomycètes sont capables d'utiliser de
nombreux composés organiques comme seule source de carbone et l'azote sous
forme minérale.
Filamenteuses, elles forment un mycélium très ramifié qui
se fragmente rarement. A maturité, le mycélium aérien produit des chaînes de
spores de longueur variable.
L'aspect des colonies est caractéristique, elles sont
rondes, poudreuses et légèrement enfoncées dans la gélose. Elles sont le plus
souvent colorées ; ces colorations sont très variées et s'expliquent par la
présence de pigments de natures très différentes. La pigmentation est le plus
souvent différente entre le mycélium substrat et les spores. De ce fait, la
coloration est rarement homogène au niveau de la colonie. De plus, des pigments
diffusibles peuvent être présents, dont la couleur est sensible au pH ou non.
Ils peuvent être solubles dans le milieu ou précipiter au voisinage de la
colonie.
Selon la couleur des spores, il est possible de définir 7
séries : Gris (de gris à brun), Blanc, Rouge (bronze, rose et rose pâle), Jaune
(jaunâtre à jaune-verdâtre), Bleu (bleuâtre à bleu-grisâtre pâle), Vert (verdâtre à gris-verdâtre
pâle) et Violet.
Couleur du mycélium substrat Espèces représentatives
Orange à rouge foncé S.
aurantiacus, S. cinnabarinus,
(surtout endo-pigment) S.
griseoruber, S. longispororuber,
Rouge à bleu/violet S.
californicus, S. cinereoruber,
(surtout endo-pigment) S.
purpurascens, S. violaceus.
Rouge-violet à bleu S. coelicolor,
S. cyaneus, S. lateritius,
(endo
et/ou exo-pigment) S. violaceoruber.
Jaune-orange/jaune verdâtre S.
atroolivaceus, S. canarius,
S. galbus,
(endo
et exo-pigment) S. flavogriseus,
S. parvus, S. tendae.
Vert à gris-olive S.
flavoviridis, S. olivoviridis,
(surtout endo-pigment) S.
nigrifasciens, S. viridochromogenes.
Vert S. malachiticus,
S. malachitorectus,
(endopigment)
Rouge-brun à brun foncé S. badius,
S. eurythermus, S. ramulosus,
(endo
et exo-pigment) S. griseorubiginosus,
S. phaeochromogenes,
Gris-brun à noir S.
alboniger, S. hygroscopicus,
S. mirabilis
(surtout endo-pigment) S.
purpureofuscus, S. violaceoniger,
Couleur du mycélium aérien Espèces
représentatives
Jaune-gris "griseus" S. griseus,
S. niveus
Rose/violet clair S. fradiae, S. toxytricini
Gris-rose/lavande "cinnamomeus" S. lavendulae,
S. flavotricini
Brun (+ gris ou rouge) S. eurythermus,
S. fragilis
Bleu "azureus" S. viridochromogenes,
S. cyaneus
Bleu-vert "glaucus" S. glaucescens
Vert "prasinus" S. prasinus,
S. hirsutus
Gris "cinereus" S.
violaceoruber, S. echinatus
Blanc "niveus" S. albus,
S. longisporus
Non définissable : blanc + S. alboniger, S. rimosus
couleurs pâles variées
Un grand nombre de souches produisent des antibiotiques.
Ceux-ci sont des plus variés et les Streptomycètes sont actuellement les germes
les plus nombreux à produire ces molécules.
La plupart des espèces de Streptomycètes répandent une
odeur, le plus souvent terreuse ou de moisi, parfois fruitée. Ces odeurs sont
surtout présentes chez les espèces à mycélium végétatif abondant et poudreux.
Il pourrait s'agir d'amines organiques (solubles dans l'éther) et leur
formation serait plus abondante dans les milieux contenant du glycérol.
Les Streptomycètes sont abondants dans les sols riches en
matière organique en décomposition, avec formation d'humus.
Le pH optimum se situe autour de 6,5-8,5. La température
optimum de la plupart des espèces est comprise entre 25 et 35°C.
La résistance des spores est de plus de 10 ans en terre
desséchée ou sur les graines.
II. Techniques d'enrichissement et
d'isolement
1/ Enrichissement des Streptomycètes dans le sol :
Par addition de CaCO3 : 1 g d'un échantillon de sol
séché à l'air est mélangé avec 0,1 g de CaCO3 et incubé à 26°C pendant 7 à 9
jours dans une atmosphère d'humidité saturante. Cela conduit à une augmentation
de 100 fois des colonies de Streptomycètes isolées sur plaque par rapport au
témoin non traité. En même temps se produit une
diminution de la flore fongique. Quant aux bactéries, la plupart ont été
éliminées par l'étape de séchage de l'échantillon (El-Nakeeb
et Lechevalier, 1963).
Par addition de chitine ou de kératine : L'addition de kératine conduit
à une augmentation des Streptomycètes sans affecter le nombre des bactéries.
L'addition de chitine a produit une considérable augmentation du nombre de
Streptomycètes et de bactéries.
L'incubation en condition humide a conduit à une
augmentation jusqu'à 1000 fois du nombre des Streptomycètes. Cependant, seules
certaines espèces sont sélectionnées par ces méthodes.
2/ Traitement du sol avant isolement :
Séchage, stockage et chauffage : ces techniques utilisent
la grande résistance des arthrospores vis à vis des
conditions de sécheresse et de température. Le séchage de l'échantillon et son
stockage prolongé à température ambiante pour les mésophiles (ou 50-56°C pour
les thermophiles) induit une augmentation sensible du nombre de Streptomycètes
dans le sol. Le traitement par la chaleur de la surface de plaques ensemencées
(10 min à 110°C) aide à l'isolement sélectif des Streptomycètes pectinolytiques du sol. Le chauffage du sol à 40-45°C pendant
2 à 16 heures réduit considérablement le nombre de bactéries sans affecter
celui des Streptomycètes.
Un traitement très utilisé est le chauffage du sol à
100°C ou 55°C pendant 1 heure.
Traitement des échantillons de sol par le phénol avant
isolement : 0,1 ml d'une suspension dense de sol est ajouté à 10 ml de phénol
1,4%. Après 10 minutes, la suspension est diluée et étalée. On obtient
l'élimination plus ou moins importante des bactéries et des champignons sans
trop abîmer les Streptomycètes. Les avis sont mitigés à propos de cette
technique dont les résultats sont aléatoires.
Centrifugation différentielle de l'échantillon avant
isolement : 1 g de sol est broyé avec un peu d'eau dans un mortier puis dilué à
100 ml. La suspension est alors centrifugée à 1600 g pendant 20 minutes. Le
surnageant contient les spores de Streptomycètes alors que le culot contient
les bactéries et les spores des champignons. Cette technique s'utilise plutôt
comme complément pour récupérer des spores.
3/ Isolement sur milieux de culture :
La chitine, l'amidon, le glycérol, l'arginine,
l'asparagine, la caséine et les nitrates permettent un bon développement des
Streptomycètes alors que les bactéries et les champignons poussent faiblement.
Milieu à la chitine : l'addition de chitine dans un milieu pauvre
améliore un peu la pousse des Streptomycètes et l'ajout de sels permet
l'isolement d'actinomycètes de l'eau (Streptomyces,
Nocardia, Micromonospora).
Milieux avec amidon, caséine et nitrate : comme la chitine, l'amidon est
dégradé par la plupart des Streptomycètes. La
combinaison de l'amidon et du nitrate est particulièrement favorable à
l'isolement de ces organismes.
Les meilleurs milieux d'isolement sont ceux qui
contiennent de l'amidon ou du glycérol comme principale source carbonée et de
la caséine, de l'arginine ou du nitrate comme source d'azote.
L'agar à la paraffine : la paraffine est bien connue pour être dégradée
par Nocardia, mais peu de renseignements sont disponibles sur son usage
par les Streptomycètes ; ce qui n'empêche pas leur isolement sur un tel milieu.
Milieux avec du glycérol et de l'arginine : ce sont les milieux les plus
performants pour l'isolement des Streptomycètes.
Milieux avec des composants sélectifs et/ou indicateurs : Mise à part la chitine qui a
été très employée pour l'isolement sélectif des Streptomycètes, de nombreux
autres nutriments ont été employés qui méritent plus d'attention. Plusieurs
d'entre eux permettent une identification sur boite de Pétri. Les colonies
capables de dégrader les composés suivants produisent des zones visibles
d'éclaircissement ou d'autres modifications du milieu : pectines, poly-ß-hydroxybutyrate, le caoutchouc, le cholestérol et le
soufre élémentaire. Alors que les trois dernières substances nécessitent des
souches spécialisées, la pectine et le poly-ß-hydroxybutyrate
sont utilisés par de nombreux Streptomycètes.
Utilisation d'agents sélectifs : Les antifongiques qui inhibent
sélectivement la croissance des champignons sont largement utilisés, comme le cycloheximide à 50-100 µg/ml et les polyènes
pimaricine et nystatine, chacun à 10-50 µg/ml.
Des antibiotiques comme la polymixine
à 5 µg/ml et la pénicilline à 1 µg/ml
peuvent être employés mais ces deux molécules inhibent aussi quelques
Streptomycètes.
D'autres substances peuvent également être utilisées,
comme le propionate de sodium à
4 g/l et le rose bengale à 35 mg/l qui de plus colore
les colonies de Streptomycètes en rose intense.
4/ Isolement à partir de l'eau :
Les mêmes milieux peuvent être utilisés pour isoler les
Streptomycètes à partir de l'eau.
On peut concentrer les germes par filtration sur membrane
et placer cette dernière, face contre la gélose sur le milieu chitine-gélosée + cycloheximide à
50 µg/ml puis mettre à incuber 4 heures à 22-30°C, enlever la membrane et
incuber de nouveau 1 à 8 semaines. (si on utilise une
membrane de porosité 0,3 µm, il n'est pas nécessaire d'ôter le filtre car les
filaments d'actinomycètes peuvent le traverser).
Pour les germes aquatiques particulièrement résistants,
on peut appliquer les protocoles suivants :
* ajouter 0,2 ml
de chlorure d'ammonium à 0,38% stérile à 100 ml d'échantillon d'eau à
température ambiante et ajouter 1 ml d'hypochlorite à 200 mg/l de chlore
efficace, laisser agir 10 minutes et neutraliser par 0,05 ml d'une solution
stérile de thiosulfate de sodium. L'échantillon est alors filtré comme pour la
procédure normale.
* l'échantillon est agité en présence de phénol à 7 mg/ml
pendant 10 minutes et filtré à travers une membrane. Les spores d'actinomycètes
sont alors récupérées en agitant la membrane avec des billes de verre dans une
solution saline avant d'étaler.
III. Méthodes de conservation des
souches de Streptomycètes :
Pour une conservation de courte durée, il est possible de
conserver les souches à 4°C en cultures inclinées, en suspension dans de l'agar
mou, ou à -20°C en suspension avec 10% de glycérol.
Pour garder les souches sur une durée plus importante,
placer les géloses pentes à -20°C, cultiver les germes
sur un sol stérile, lyophiliser ou stocker dans l'azote liquide.
IV. Protocole
d'isolement de Streptomycètes à partir d'un sol
1/ Isolement par suspensions-dilutions
:
- Prélever un échantillon de sol à une dizaine de cm en
dessous de la surface.
- Laisser le sol se déshydrater à l'abri de la poussière,
à température ambiante pendant quelques
jours à quelques mois (les spores sont très résistantes à l'assèchement).
- Transférer quelques grammes de terre dans un tube
stérile, reboucher et mettre à incuber dans un bain-marie à 50°C pendant 1
heure.
- Broyer dans un mortier 1 g de cet échantillon et le
suspendre dans 10 ml d'eau physiologique stérile, agiter et laisser décanter
(ou centrifuger 5 min à 1500 rpm), cette suspension
constitue la dilution 10-1. Faire des dilutions au 1/10° jusqu'à 10-4.
- Etaler 100 µl des dilutions 10-2 à 10-4
sur milieu de Kuster-glycérol en boîtes de
Pétri de 90 mm.
- Incuber au moins une semaine à l'étuve à 30°C.
Au bout de quelques jours, des colonies colorées et
typiques des Streptomycètes vont apparaître.
2/ Production de Mélanine :
Elle est déterminée qualitativement après 4 jours
d'incubation sur un milieu gélosé peptone-extrait de levure-fer et/ou sur un milieu gélosé à la tyrosine dont la
composition est donnée plus loin.
Ces milieux sont coulés en pentes. La formation de
mélanine est mise en évidence par la coloration gris-noir
à bleu-noir du milieu après 1 à 2 jours. Le résultat
est clairement positif ou négatif.
Il est à noter que la composition du milieu à la tyrosine
risque de changer prochainement car il semble que la tyrosinase soit induite
par certains acides-aminés comme la L-méthionine ou la L-norleucine
mais pas par son propre substrat.
3/ Recherche d'une activité anti-microbienne :
Au bout de 7 à 15 jours d'incubation à 30°C, étaler 20 ml
de milieu de Muller-Hinton refroidi à 45°C en sur-couche sur les boîtes présentant des colonies
suffisamment isolées.
On peut aussi repiquer les colonies en spots sur un
nouveau milieu et au bout de 5 jours de culture, la boîte est retournée au
dessus de 1,5 ml de chloroforme pendant 40 minutes pour tuer les
Streptomycètes. L'excès de chloroforme est éliminé et la sur-couche
est coulée sur ce milieu.
Lorsque l'agar est solidifié, étaler 100 µl d'une
suspension diluée de germe test (A650 = 0,2). La production d'antibiotique
est caractérisée par une zone d'inhibition de la souche test au voisinage de la
colonie de Streptomycète.
Il est aussi possible de rechercher une activité
anti-microbienne en ensemençant directement le milieu de surcouche (Muller-Hinton ou 5 ml de gélose nutritive à 0,7%) par une
suspension limpide du germe test. Il est possible de définir 12 profils
anti-microbiens.
Les souches généralement utilisées sont :
Aspergillus niger, (ou Mucor ramannianus) Bacillus subtilis,
Candida albicans (ou C. tropicalis), Escherichia coli, Micrococcus luteus (ou Sarcina lutea), Pseudomonas fluorescens, Saccharomyces cerevisiae
(ou S. pasteurianus)
et Streptomyces murinus.
V. Milieux
d'isolement des actinomycètes
Milieu gélosé AGly :
Phosphate bi-potassique 1
g
Asparaginate de sodium 1 g
Glycérol 10
g
Solution d'oligo-éléments 1 ml
Gélose 15
g
Eau distillée 1000
ml
pH 7,0
Solution d'oligo-éléments :
Molybdate de potassium ou sodium 0,05 g
Borate de sodium 0,05 g
Nitrate de cobalt 0,05 g
Sulfate de cadmium 0,05
g
Sulfate de cuivre 0,05 g
Sulfate de zinc 0,05
g
Sulfate de manganèse 0,05
g
Perchlorure de fer 1
goutte
Eau distillée qsp 1000 ml
Milieu de Bennett :
Glucose 10 g
Extrait de levure 2 g
Peptone 2
g
Extrait de viande 1
g
Agar 20
g
Eau distillée 1000
ml
pH 7,3
Milieu de Kuster amidon
ou glycérol : Solution d'oligo-éléments :
Amidon 5 g Sulfate
de magnésium 5 g
(ou glycérol 10 g) Carbonate de calcium 2 g
Caséine (ou sa peptone) 0,3
g Sulfate
ferreux 1 g
KNO3 2 g Eau distillée qsp 100 ml
NaCl 2 g
K2HPO4 2 g
Oligo-éléments 1
ml
Agar 18 g
Eau distillée qsp 1000 ml
pH 7,0
Milieu à la tyrosine pour test de la mélanine: Oligo-éléments
1000 x :
Glycérol 15
g FeSO4, 7H2O 0,1
g
L-Tyrosine 0,5 g MnCl2,
4H2O 0,1 g
L-Asparagine 1
g ZnSO4, 7H2O 0,1 g
K2HPO4 0,5 g Eau
distillée 100 ml
MgSO4, 7H2O 0,5 g
NaCl 0,5 g
FeSO4, 7H2O 0,01 g
Oligo-éléments 1 ml
Agar 20 g
Eau distillée 1000 ml
pH 7,2-7,4
Bibliographie :